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Bonjour,
Après vous avoir raconté la saga des margarines et de Procter & Gamble dans ma dernière lettre, je vous propose aujourd'hui une nouvelle histoire, celle des céréales du petit-déjeuner. Une histoire qui comme vous allez le voir possède de nombreux points communs avec celle des margarines : des débuts à la même époque, un développement reposant sur les grandes exploitations céréalières et des allégations santé qui finiront par n'être que du pur marketing, soutenu par un lobbying acharné.
Je sais que certains ne veulent que des conseils directs, mais j'insiste vraiment sur l'importance de comprendre l'histoire et le contexte dans lesquels prennent place les recommandations nutritionnelles modernes pour mieux ne pas subir leur influence. LE SAVOIR, C'EST LE POUVOIR !
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Cette saga des céréales commence dans le nord des Etats-Unis du 19e siècle, dans la région des grands lacs. Né en 1852, John Harvey Kellogg était un médecin faisant parti de l'Église adventiste du septième jour, un mouvement protestant issu des Millerites, des croyants qui suivaient l'enseignement de William Miller, un prédicateur prêchant le retour imminent de Jésus Christ. Ce mouvement du « second réveil » donnera naissance à plusieurs groupes adventistes dont l'église du 7e jour, ou même indirectement aux témoins de Jéhovah quelques décennies plus tard.
Le message de l'Église adventiste du septième jour venait en partie des « visions » de sa co-fondatrice, Ellen White, qui lui indiquèrent notamment la nécessité de purifier le corps en éliminant tous les excitants (café, thé, alccol) ainsi que toute chair animale, et en faisant de l'exercice physique. Ces principes seront repris par J.H. Kellogg lorsqu'il prendra en charge le sanitarium de Batlle Creek, appartenant à l'Eglise, où il fera suivre aux patients une alimentation végétarienne, des exercices de respiration, de la marche en plein air ou même des bains de soleil. Le centre connaîtra un grand succès et beaucoup de célébrités, de politiques et d'hommes d'affaire viendront s'y faire soigner.
Kellogg cherchera aussi à être à la pointe de la technologie en profitant de cette nouvelle invention qu'était l'électricité, en fabriquant toute une série de machines pour aider ses patients, comme pour l'irrigation du côlon ou pour simuler des bains de soleil. Il sera en quelque sorte l'un des premiers hygiénistes modernes. Il développera aussi des théories qui sont encore largement reprises par les végétariens modernes, comme celle que la viande pourrirait dans le côlon (ce qui est absurde pour qui a un minimum de connaissances sur la digestion, à la rigueur ce sont les plantes qui « pourrissent » dans le sens où les fibres sont fermentées dans l'intestin, ce qui est une bonne chose par ailleurs - après il est possible de critiquer la viande sur d'autres critères).
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Même s'il était un pragmatique, sa vision de la santé et de la nutrition restait fortement influencée par son éducation religieuse, ayant notamment un profond malaise vis-à-vis de la sexualité. Il faut savoir par exemple qu'il ne consumera jamais son mariage, considérant même sa nuit de noces « comme une parfaite opportunité pour écrire un livre» (sic)…
Mais ce qu'il considérait comme un comportement déviant, comme le pire des vices qu'il fallait traiter à tout prix, capable de causer de nombreuses maladies comme le crétinisme, la calvitie, l'acné ou l'épilepsie, c'était la MASTURBATION ! Non seulement il utilisera des traitements physiques proches de la torture pour couper tout désir chez les jeunes qui en « souffraient » (circoncision sans anesthésie et fil d'argent sur le prépuce des garçons pour les empêcher d'avoir une érection, brûlure du clitoris chez les filles avec de l'acide carbolique !), mais il considérera l'alimentation comme centrale dans le contrôle des pulsions : pour lui, la viande ou les épices stimulaient la libido alors que les céréales la diminuaient.
Même si c'est un peu hors-sujet, je pourrais aussi citer son eugénisme, Kellogg étant partisan d'empêcher les personnes « non-saines » de se reproduire pour « les empêcher de polluer la pureté génétique de la race humaine ». Une idéologie qui avait malheureusement pignon sur rue à l'époque.
Pour en revenir à la nutrition, il développait dans sa cuisine-laboratoire des recettes végétariennes pour nourrir ses patients, comme des imitations de viande à base de soja. Avec son jeune frère Will, en 1894, il inventera enfin les fameux flocons de céréales, d'abord à base de blé puis rapidement à base de maïs, la principale culture aux Etats-Unis. A l'époque, le petit-déjeuner des gens aisés était à base d'œufs et de viande, ce qui en faisait donc la cible principale de Kellogg.
Voyant l'opportunité commerciale, un entrepreneur texan leur volera l'idée et fera fortune dans les années 1900 avec sa propre ligne de céréales, suivi rapidement par des dizaines d'autres, transformant la région de Battle Creek en un champ d'usines à fabriquer des flocons de céréales. Malgré cela, John refusait de vendre ses produits à d'autres personnes que ses patients, ce qui finira de consumer la rupture entre les deux frères, Will partant fonder sa propre compagnie en 1906, la Battle Creek Toasted Corn Flake Company, qui deviendra par la suite la Kellog company. Avec un marketing puissant, du sucre ajouté pour plaire au goût des enfants et de grandes promesses santé (non réglementées à l'époque), la société connaîtra un succès rapide, faisant de Will un millionnaire qui laissera un empire industrielle derrière lui. Même si son frère John finira lui sa vie seul et considéré comme un excentrique, son héritage reste très important, ayant posé les bases du végétarisme moderne avec son alimentation riche en céréales et en produits à base de soja. Les végétariens parmi vous oublient parfois que ces principes découlent d'une histoire, histoire qui n'a pas grand-chose à voir avec les traditions végétariennes de certains hindouistes ou bouddhistes, mais beaucoup avec les hygiénistes puritains du 20e siècle comme Kellogg et l'influence des industries qui leur feront suite.
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Et c'est là peut-être le message le plus important de cet article, pour comprendre comment tout est lié dans ce système agroalimentaire moderne :
- Comme expliqué dans mon dernier article, l'industrie des margarines, créée pour cause de coûts trop élevés des graisses animales, finira par favoriser l'agriculture ultra-intensive avec les cultures de céréales (blé, maïs), d'oléagineux (colza, tournesol) et de protéagineux (soja), et développer un discours anti-graisses animales pour mieux vendre leurs produits, alors que ces mêmes cultures intensives seront par la suite utilisées pour nourrir les élevages industriels et favoriser le développement des fermes usines.
- De même, le boom des céréales de petit-déjeuner participera à l'explosion des cultures céréalières, à la croisade anti-graisse des années 1980 et à la hausse brutale de la consommation de sucre, utilisé en grande quantité dans ces produits.
Aujourd'hui, Kellogg's et ses concurrents comme Nestlé ont réussi à placer les céréales comme l'aliment de base du petit-déjeuner occidental et à ancrer profondément dans les mentalités l'idée qu'un petit-déjeuner équilibré serait constitué d'un bol de céréales avec du lait et un verre de jus d'orange (lui aussi industriel bien sûr). Croyance qui repose sur un siècle de marketing acharné, avec des milliards et des milliards de dollars dépensés en publicité, et sur un lobbying forcené auprès des politiques, en lien avec l'industrie du sucre et les lobbys de l'agriculture industrielle.
Prenons l'exemple des Special K, avec sa publicité mensongère qui met en avant la minceur et la vitalité. Si on regarde en détail les ingrédients, nous avons d'une part des céréales bien sûr (riz, blé et gluten de blé) et d'autre part du sucre en grande quantité. Non seulement le tout aura un indice glycémique très élevé favorisant la prise de gras, non seulement le tout représente un tel vide nutritionnel qu'ils sont obligés d'ajouter des vitamines de synthèse, mais surtout un seul bol contient l'équivalent de 3 morceaux de sucre, ce qui représentera sur une année environ 6 kilos de sucre raffiné !!! Sans compter toutes les autres sources que vous pouvez avaler au quotidien.
Le pire est certainement atteint avec les produits dédiés aux enfants, qui contiennent en moyenne 40% de sucre. Et ne pensez pas vous rattraper sur des céréales « bio » qui sont souvent tout aussi riches.
Alors je mange quoi au petit-déjeuner ?
C'est peut-être la question que je reçois le plus souvent, et comme je le dis toujours, il n'y a pas une réponse absolue mais une infinité de possibilités :
- Déjà, rien qu'en restant sur le modèle « céréales », vous pouvez tout simplement acheter des flocons de sarrasin bruts en magasin bio, et les mélanger avec quelques fruits frais, des noix et noisettes et mélanger le tout avec un peu de lait d'amande.
- Si vous êtes plutôt « tartines », vous pouvez acheter des craquottes au sarrasin ou à la châtaigne très légères (en magasin ou rayon bio aussi) ou bien faire un « pain » sans gluten maison comme celui-ci.
- Vous pouvez surtout faire comme les 2/3 de l'humanité et comme faisant vos arrières grands-parents en mangeant salé. Un de mes basiques quand je suis pressé par exemple est de prendre 2 œufs sur le plat avec un avocat et un peu de légumes lactofermentés (chou rouge, betterave). Il est même possible de manger des restes du dîner de la veille !
C'est pourquoi je donne notamment dans le programme Naturacoach un schéma permettant à chacun de trouver le petit-déjeuner qui lui correspond, selon ses goûts et ses besoins.
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Vous trouverez aussi dans mon programme de cuisine Naturacook toute un série de recettes dédiées au petit-déjeuner, comme des choco-coco pops ou plusieurs recettes de granola et de pains.
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Pour finir, pour ceux qui ne la connaîtrait pas encore, voici l'une de mes recettes les plus appréciées, celle du pain « paléo » (paléo dans le sens moderne des ingrédients utilisés, bien entendu que nos ancêtres ne mangeaient pas de pain ! ).
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Ingrédients pour 6 à 8 personnes
- 350g de purée d'amande blanche
- 8 oeufs
- 4 c à s de farine de coco
- 5 c à s de graines de lin moulues
- 10 cl d'huile d'olive
- 3 c à s de miel
- 1 c à c de bicarbonate de soude
- 1 c à s de vinaigre de cidre
- 1 pincée de sel
- Préchauffer votre four à 180°C en mettant un petit récipient avec de l'eau pour créer de la vapeur.
- Mixer ensemble la purée d'amande, les oeufs, le miel et l'huile.
- Ajouter la farine de coco, les graines de lin, le bicarbonate et le sel. Mixer.
- Ajouter le vinaigre. Mixer quelques secondes.
- Verser dans un moule à cake huilé.
- Enfourner pendant 45 min jusqu'à ce que le centre soit bien cuit (en testant avec un couteau). Laisser refroidir.
- Se conserve pendant 5 jours au réfrigérateur.
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J'espère que tous ces conseils vous aideront à faire évoluer vos habitudes dans le bon sens. Prenez soin de vous !
A bientôt,
Benjamin Dariouch
Fondateur de Naturacoach |
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